De la fabrique des images à l’atelier : une œuvre qui ralentit le monde
Dans un paysage saturé d’images rapides, l’œuvre de Mezz Zapharelli impose une singularité rare : une peinture qui ne cherche pas à séduire, mais à tenir. Issue des métiers de l’image appliquée — costume, décor, défilé — l’artiste a très tôt appris la vitesse à laquelle se fabriquent les figures. À rebours de cet élan productiviste, elle construit depuis les années 80 une véritable éthique de la lenteur, où le portrait devient un lieu d’ajustement, de durée, presque de réparation.

De l’industrie visuelle à l’atelier : un parcours qui fabrique un regard
Le chemin vers la peinture commence loin des pigments et des toiles. En Australie, Mezz Zapharelli découvre la production d’images à grande vitesse : costumes pour la télévision, décors de cinéma, créations pour groupes de musique. Ces cinq années intenses sont marquées par l’urgence, le rythme imposé, la nécessité d’effets immédiats.
Suit New York, cœur battant de la culture pop. Un appel du bureau d’Andy Warhol l’invite à célébrer l’anniversaire de l’artiste au Studio 54 : immersion directe dans une machine à icônes où la série est reine, où chaque visage devient potentiel motif de reproduction.
À Londres, Central Saint Martins resserre les exigences. Le geste doit être responsable. La forme doit tenir. Au terme d’une décennie d’exposition au flux, une décision radicale s’impose : investir la peinture.
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Années 80 : le portrait comme rupture, comme passage
Avec sa première série de portraits, l’artiste quitte le vêtement — surface sociale, immédiatement lisible — pour le visage, surface d’être. Les formats sont stricts, frontaux. Le temps s’allonge. La main ralentit. Les effets faciles disparaissent au profit d’une présence qui affleure lentement.
Ce changement n’est pas esthétique, il est éthique. Peindre devient une manière de désapprendre la vitesse pour laisser advenir une figure qui respire.
L’icône éprouvée : Marilyn, Hitchcock, Chanel
Lorsque Mezz Zapharelli aborde des figures hypermédiatisées, elle refuse le pastiche comme l’hommage. L’icône n’est pas décor ; elle est résistance. La peinture expose alors les coutures du mythe : ses zones de silence, la lumière qui insiste, la tension entre apparition et effacement.
Chaque tableau est un dispositif de freinage. Après l’accélération du monde visuel — défilés, séries, images publicitaires — Mezz Zapharelli offre à ces figures la possibilité de retrouver une densité, une gravité.

Le compas : un outil, une politique de l’axe
Motif récurrent, le compas n’a rien d’un élément décoratif. Il matérialise l’ambition de l’atelier : réajuster la figure, lui rendre son aplomb face aux distorsions du monde médiatique.
Le tableau cesse d’être vitrine ; il devient instrument de mesure, espace d’orientation. Ici, le style importe moins que l’axe. Ce qui compte, c’est la tenue de la figure, la justesse.
Une cohérence née de la friction
Le parcours de Mezz Zapharelli ne relève pas du roman biographique, mais d’une cohérence plastique forgée entre deux univers opposés :
- l’usine de l’image : costumes, plateaux, défilés, répétitions, cadences, reproductibilité
- la peinture : risque, lenteur, décision irréversible, responsabilité du geste
La première lui a donné la découpe, la vitesse ; la seconde lui offre le droit à la durée. C’est cette bascule, ce passage d’un régime d’images à un autre, qui constitue la force de son œuvre.
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