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Pierre Stépanoff, le nouveau directeur du Musée de Picardie

Directeur du Musée de Picardie Pierre Stepanoff

Depuis le 23 mai 2023, Pierre Stépanoff est le nouveau directeur des musées d’Amiens et de la Maison Jules Verne.

Le magazine ART MAG l’a rencontrée pour vous !

ART MAG : Pouvez-vous nous dire ce qui vous a motivé à postuler pour ce poste de directeur du musée ?

Pierre Stépanoff : Pour moi, c’était d’abord un souhait d’évolution dans ma carrière. Dans la logique de ma vie professionnelle, j’avais envie de me confronter aux responsabilités de directeur, pour pouvoir voir l’action, le potentiel, les propositions qu’on peut faire dans un musée à grand échelle. C’est aussi pour pouvoir faire avancer les choses, défendre une vision. Ça, c’est une démarche personnelle. Le Musée de Picardie a été pour moi l’opportunité idéale : un établissement que je connaissais un peu parce que j’y avais fait un stage lors de mes études.

ART MAG : Est-ce que votre bref passage en tant que stagiaire vous a influencé dans votre décision de postuler ?

Pierre Stépanoff  : Tout à fait. Cela m’a permis de découvrir cet établissement et de voir sa singularité, sa magie. En fait, ce musée est un des rares établissements à avoir conservé son ambiance originelle, son décor du XIXᵉ siècle. Cela, pour moi, c’est vraiment tout à fait magique et c’est extrêmement porteur pour le public qui a besoin, justement, de se retrouver dans ces ambiances. Je pense que nous avons besoin d’immersion qui coupe du train-train de la vie et d’entrer le temps d’une visite dans quelque chose de complètement nouveau.
On a beaucoup dit qu’il fallait tirer les musées vers la vie quotidienne des gens. Moi, je ne pense pas du tout. Je pense qu’au contraire, la visite au musée, cela doit être un temps de rupture par rapport à la vie quotidienne et un temps d’émerveillement.

ART MAG :  Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel jusqu’à présent ?

Pierre Stépanoff : J’ai suivi une formation à l’Institut National du Patrimoine – c’est l’école qui forme les conservateurs. C’est un cursus professionnalisant qui forme les cadres scientifiques des établissements nationaux et territoriaux et qui comprend un stage de spécialité. J’ai fait un stage de six mois, dont cinq mois à Nancy et un mois à Amiens. Ce stage m’a permis d’acquérir une expérience opérationnelle dans le domaine muséal. Ensuite, j’ai continué à développer ma carrière en occupant le poste de conservateur au musée Fabre à Montpellier ce qui m’a apporté une solide expérience dans la gestion des collections.

ART MAG :  Quels sont vos projets et vos objectifs en tant que nouveau directeur du Musée Picardie ?

Pierre Stépanoff : Ce que j’ai envie d’apporter, c’est que le musée contribue à rendre plus célèbre et plus lisible l’identité artistique d’Amiens et de la Picardie. Je souhaite mettre en avant les grands artistes qui ont marqué ce musée, cette collection, cette ville, cette région. Pour moi, le musée doit être un lieu de rupture avec le quotidien, un lieu d’émerveillement où l’on peut découvrir des artistes méconnus et des œuvres variées. Je souhaite également positionner le musée comme un lieu d’apprentissage, en proposant des conférences et des cycles d’initiation à l’histoire de l’art

ART MAG : Pour vous, il est important de s’approprier le patrimoine local, Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Pierre Stépanoff : je pense qu’il est essentiel de se familiariser avec son patrimoine. Cela nous permet de mieux comprendre notre histoire et d’avoir une connaissance approfondie de ce qui s’est passé dans notre région. La collection d’un musée, par exemple, appartient à la communauté locale, et il est donc important que les habitants se l’approprient. Cela leur permet de forger une fierté par rapport aux figures artistiques présentes dans la collection. Pour moi, c’est d’une importance extrême.

Je considère aussi le musée comme une école de l’écologie au sens large. Dans notre société actuelle, nous avons tendance à consommer rapidement et à jeter les objets après les avoir utilisés. Tout est perçu comme interchangeable. Au contraire, dans un musée, rien n’est jeté, tout est conservé et préservé pendant des siècles voire des millénaires, car chaque objet est irremplaçable. Ainsi, nous défendons une philosophie radicalement différente de celle des mauvaises habitudes de consommation qui se sont développées au fil des décennies. Au musée, nous apprenons à apprécier, à savourer, à regarder, à revoir les choses lentement, plutôt que de simplement zapper.

ART MAG : Vous dites que le musée est presque une école de civilisation, comment envisagez vous de positionner le musée ?

Pierre Stépanoff : je souhaite également positionner le musée comme un lieu d’apprentissage, à l’instar des universités populaires. Je constate qu’aujourd’hui, l’histoire de l’art en tant que discipline n’est toujours pas enseignée dans le tronc commun des programmes scolaires, que ce soit à l’école primaire, au collège ou au lycée. C’est encore considéré comme une spécialité choisie par certains individus, ce qui n’est pas le cas de la littérature, par exemple. Pourquoi devrions-nous estimer qu’il est essentiel de connaître Corneille et Racine, et négliger Charles de Brun et Nicolas Poussin ? Tout cela est extrêmement important. Je pense donc que le musée peut se positionner en proposant des conférences et des cycles d’initiation à l’histoire de l’art, en abordant les bases et en enseignant cette discipline par chapitre. Si vous regardez autour de vous aujourd’hui, où pouvez-vous découvrir cela dans une ville ?

De plus, bien que des initiatives soient développées pour les enfants, il y a de nombreux accès à ces offres. Peut-être même qu’en étant à la retraite, ils souhaitent approfondir leurs connaissances dans ce domaine. Je pense que le musée doit également répondre à ce besoin. C’est pourquoi, dans un futur proche, je prévois de proposer des cycles de conférences où nous pourrons présenter l’histoire de la peinture française, italienne, par exemple et bien d’autres sujets. De conférence en conférence, nous pourrons comprendre la chronologie, les grands artistes, les artistes moins connus, les tableaux et les œuvres du Musée de Picardie, ainsi que les grandes œuvres du Louvre et des grands musées internationaux. En faisant dialoguer ces grands établissements avec la collection que nous avons ici, nous pourrons donner du sens à tout cela. J’ai déjà pu réaliser ce genre d’initiatives dans le passé, et elles ont été très appréciées, car elles répondent à un désir profond des gens, un désir qui n’est pas si facile à satisfaire.

ART MAG :  Pouvez-vous nous expliquer votre projet de cycles de conférences et comment cela permettra de donner du sens à la collection du musée et d’engager le public de manière interactive ?

Pierre Stépanoff : J’ai une forte conviction dans le modèle du cycle, c’est-à-dire de ne pas simplement proposer une conférence isolée sur un sujet, mais plutôt d’enchaîner plusieurs séquences successives. Cela permet d’approfondir véritablement un sujet, de disséquer, d’analyser et de comprendre le lien organique entre différentes périodes, différents artistes, comment un artiste influence un autre, comment les choses s’enchaînent chronologiquement. Il y a de nombreux thèmes intéressants à explorer.

Au-delà de la dimension artistique, il y a aussi une dimension civique. Il s’agit de s’approprier les monuments de sa ville, de s’approprier la collection du musée local. Pour moi, cela revêt également une dimension citoyenne. Nous devons garder à l’esprit que tout cela est financé en partie par nos impôts. Cela nous appartient à tous.

ART MAG : Un dernier message que vous souhaitez transmettre aux visiteurs du musée ?

Pierre Stépanoff : Emerveillez-vous !!