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L’impact du Japonisme sur l’Art Occidental

artmag Morimura Yasumasa les francisaines deauville
Muto Shigeo

En 1860, un événement inattendu bouleverse le monde de l’art en Europe : le Japon, après des siècles d’isolement, s’ouvre à l’Occident. Cette ouverture provoque une véritable onde de choc parmi les artistes français, habitués depuis près de deux millénaires à une approche de la peinture fondée sur les ombres, les dégradés et la perspective. En découvrant l’art japonais, avec ses lignes simples, ses couleurs vives et son usage audacieux de l’asymétrie, les peintres européens sont confrontés à une manière radicalement différente de représenter le monde. Ce choc esthétique marque le début d’une nouvelle ère dans l’art occidental, connue sous le nom de Japonisme.

L’Exposition des Franciscaines à Deauville : une exploration du Japonisme

Les franciscaines à Deauville présentent jusqu’au 22 septembre une exposition qui explore cette rencontre culturelle et son influence profonde sur les artistes européens. Parmi eux, Alfred Stevens se distingue par son tableau La Parisienne en kimono, où il met en avant la beauté exotique d’un vêtement japonais, réinterprétant à travers un prisme fantasmatique une civilisation jusqu’alors méconnue. Stevens n’est pas seul ; d’autres artistes, comme Félix Vallotton et Félix Regamey, intègrent dans leurs œuvres les codes stylistiques de l’Ukyio-e, cet art japonais caractérisé par la simplicité des traits, l’usage de couleurs vives et une approche asymétrique de la composition.

L’impact du Japonisme sur la perception de l’espace et de la composition

Mais le Japonisme ne se limite pas à une simple fascination pour l’exotisme. Il ouvre également la voie à une réflexion plus profonde sur la notion de vide et de plein dans l’art. Alors que la tradition occidentale privilégie des compositions remplies et équilibrées, l’art japonais valorise l’espace vide, source de déséquilibre et de nouvelle harmonie. Cette philosophie se reflète dans les œuvres des impressionnistes européens, qui, inspirés par ces concepts, explorent l’éthéré et l’absence dans leurs représentations de la nature. Le tableau Coucher de soleil de Renoir, avec sa recherche de l’évanescent et sa mise en avant de la sensation de l’air, illustre parfaitement cette influence.

Le Japonisme et la représentation urbaine : De l’Impressionnisme à la Modernité

Cette nouvelle perception de l’espace s’étend également à la représentation urbaine. Les cadrages serrés et décentrés des toiles d’Angrand, Marquet ou Dufy montrent l’influence directe de l’art japonais sur la manière dont les artistes européens capturent l’agitation des villes modernes. Dufy, par exemple, dans Le bassin du Roy au Havre, utilise une perspective frontale et resserrée qui désoriente le spectateur, brouillant ainsi les repères visuels traditionnels.

Japonisme et Art Contemporain : une influence durable

L’exposition ne s’arrête pas au 19e siècle, mais s’étend jusqu’à l’époque contemporaine, mettant en lumière l’influence durable du Japonisme. Des œuvres modernes, telles que celles de Yasumasa Morimura, revisitent les classiques de l’art occidental à travers le prisme de cette rencontre culturelle. Dans sa photographie Une Moderne Olympia, Morimura reprend le tableau iconique d’Édouard Manet, en y insérant son propre corps masculin, inversant ainsi les rôles de genre et questionnant la manière dont le regard occidental a souvent féminisé l’homme oriental.

Le Japonisme dans le Design et les Arts Décoratifs Européens

Parallèlement, l’exposition explore également l’impact du Japonisme sur le design et les arts décoratifs européens. Les influences japonaises se retrouvent dans des objets du quotidien, tels que des assiettes, des boîtes en céramique, ou encore des fauteuils imitant le bambou, témoignant de la pénétration de ce courant artistique dans toutes les couches de la société occidentale.

Représentation des Femmes et Japonisme : une nouvelle perspective

Enfin, la représentation des femmes dans l’art occidental et japonais est également mise en perspective. Les autoportraits saisissants de Mari Katayama, une artiste contemporaine japonaise, interrogent les notions de normalité et de beauté. En se photographiant dans des poses rappelant les œuvres des impressionnistes, Katayama réinterprète les canons esthétiques occidentaux tout en confrontant le spectateur à des questions contemporaines sur l’identité et la représentation.

Cette exposition met en lumière l’immense influence du Japonisme sur l’art occidental, une influence qui ne se limite pas à une période historique précise, mais qui continue de résonner dans la création artistique contemporaine. Cette rencontre entre Orient et Occident a non seulement transformé la manière dont les artistes européens voyaient le monde, mais elle a également enrichi leur langage visuel, leur permettant d’explorer de nouvelles dimensions esthétiques et philosophiques. L’exposition invite ainsi le visiteur à revisiter cette période révolutionnaire pour l’art, tout en découvrant les échos modernes de ce dialogue interculturel.

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