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Icônes venues d’Ukraine au Louvre-Lens : quand l’art sacré devient acte de résistance

Louvre lens - ukraine Notre dame de la Consolation
Louvre lens - ukraine Notre dame de la Consolation

Le Louvre-Lens accueille une exposition exceptionnelle : Icônes venues d’Ukraine. Prêtées par le Musée national des arts Bohdan et Varvara Khanenko de Kyiv, ces œuvres sacrées du XVe au XVIIe siècle témoignent de la richesse et de la diversité de la peinture d’icônes, entre influences byzantines et occidentales. Leur éclat doré porte aussi les stigmates d’un exil forcé et rappelle que la sauvegarde du patrimoine est un combat vital.

Vue de l’exposition au Louvre Lens

Un sauvetage patrimonial unique

Seize icônes, parmi les plus précieuses des collections ukrainiennes, ont trouvé refuge en France après avoir été menacées par la guerre. Grâce à un accord exceptionnel entre institutions françaises et ukrainiennes, elles sont aujourd’hui exposées à la mezzanine du Louvre-Lens jusqu’au 15 décembre 2025.
Ce geste de solidarité internationale illustre le rôle majeur des musées : protéger, documenter et transmettre le patrimoine, même en temps de conflit.

Theodore Poulakis, « En toi se réjouit », 1661, Tempera sur bois, feuille d’or, Kyiv, Musée national des arts Bohdan et Varvara Khanenko
© musée du Louvre-Lens 

L’héritage de Théodoros Poulakis et des grands maîtres de l’icône

L’exposition met en lumière des chefs-d’œuvre du peintre crétois Théodoros Poulakis (1620-1692). Ses toiles monumentales comme Le Jugement dernier ou En toi se réjouit allient tradition byzantine et influences occidentales.
Par leur composition verticale et leur richesse narrative, ces icônes traduisent une puissance visuelle exceptionnelle et t témoignent de la richesse de l’art orthodoxe du XVIIe siècle.

Notre Dame de la Consolation vers 1450-1500, Tempera sur bois, feuille d’or, Kyiv, Musée national des arts Bohdan et Varvara Khanenko
© musée du Louvre-Lens 

Trésors anciens et tendres visages

Aux côtés de ces œuvres du XVIIe siècle, l’exposition révèle aussi des icônes plus anciennes :

  • Notre Dame de la Consolation (vers 1450-1500), une Vierge à mi-corps empreinte de douceur et de majesté.
  • Saint Jean-Baptiste, l’ange du désert (vers 1500-1600), entouré de scènes de sa vie, dont la prédication et le martyre.
Dans Le Jugement dernier, le Christ en gloire est représenté en maître de l’univers, vainqueur de la mort et bénissant. Son retour sur terre marque la fin des temps et le jugement de l’humanité. Ce thème, élaboré au Moyen Âge, est un commentaire en image de plusieurs sources bibliques. La lecture de cette icône se fait de bas en haut.

La composition superpose les registres : le monde terrestre où les morts ressuscitent, le Paradis où les élus sont accueillis et l’Enfer où sont précipités les damnés. La scène reprend les conventions byzantines : les morts sortent de leurs tombeaux ou sont recrachés par les flots de la mer et par les bêtes sauvages ; les saints chantent les louanges de Dieu au Paradis avec le trône laissé libre pour le retour du Christ ; l’archange saint Michel pèse les âmes ; un fleuve de feu entraîne les pécheurs au fond de l’Enfer.

Cependant l’artiste introduit une influence occidentale : dans le groupe des damnés, des personnages sont repris du Jugement dernier de Michel-Ange à la chapelle Sixtine (1512). Des saints vénérés uniquement par les catholiques figurent aussi parmi les élus. Cette icône a peut-être été commandée par une communauté catholique de rite oriental
Theodore Poulakis, Le Jugement dernier, 1661, Tempera sur bois, feuille d’or, Kyiv, Musée national des arts Bohdan et Varvara Khanenko
© musée du Louvre-Lens 

Ces images sacrées reflètent à la fois l’austérité du style byzantin et la richesse chromatique occidentale, illustrant la diversité de l’art religieux ukrainien.

Une scénographie immersive

Conçue par l’architecte Mathis Boucher, la scénographie invite au recueillement. Les icônes sont isolées dans une lumière mesurée, sans socle ni vitrine imposante, renforçant l’impression d’entrer dans un sanctuaire. Chaque visiteur circule à hauteur des œuvres, dans une intimité rare avec ces fragments d’âme et d’histoire.

Entre urgence et résilience

La présence de ces icônes en France est d’abord le fruit d’une opération de sauvegarde d’urgence, menée après les bombardements d’octobre 2022 contre le musée Khanenko de Kyiv. Avec l’aide de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH), elles ont trouvé refuge au Centre de conservation du Louvre à Liévin, avant d’être présentées au public.

Ces œuvres ne sont pas de simples pièces d’art : elles incarnent l’âme d’un peuple, sa spiritualité et sa résilience. Leur exposition au Louvre-Lens résonne comme un message universel : affirmer que la culture peut survivre, être partagée et continuer à exister, même au cœur des ténèbres.

Informations pratiques

  • Exposition : Icônes venues d’Ukraine
  • Lieu : Louvre-Lens, Mezzanine
  • Dates : jusqu’au 15 décembre 2025
  • Entrée : libre

📖À lire dans le numéro d’ART MAG (version papier ou téléchargement)

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Pour lire la suite, téléchargez ART MAG N°28